Le Scrum Master au service de l’organisation
Prérequis et objectifs
1. Prérequis
Maîtriser les quatre premiers chapitres.
2. Objectifs
À la fin de ce chapitre, vous serez en mesure de :
Accompagner l’organisation dans son adoption de Scrum.
Planifier les implémentations de Scrum au sein de l’organisation.
Causer les changements au lieu d’imposer des changements.
Organiser une structure collaborative avec d’autres Scrum Masters.
Introduction
Une fois de plus, référons-nous au guide Scrum qui nous indique que le Scrum Master sert l’organisation de plusieurs façons, y compris pour :
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accompagner, former et encadrer l’organisation dans son adoption de Scrum ;
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planifier et apporter des conseils sur les implémentations de Scrum au sein de l’organisation ;
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faciliter la compréhension de l’approche empirique en environnement complexe des employés et des parties prenantes ; et
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contribuer à lever les obstacles qui peuvent se dresser entre les parties prenantes et les équipes Scrum.
Généralement, les deux premières parties de cette déclaration ne sont pas gérées par des Scrum Masters de l’organisation, mais par des experts Scrum missionnés spécialement pour atteindre ces objectifs : des coaches agiles. Dans certains cas, à la fin de leur contrat, la transition entre les actions de ces experts et l’appropriation par l’organisation des processus agiles sera transparente pour les utilisateurs. C’est ce qui s’est produit chez Yahoo, mais le manager des coaches n’était autre que Jeff Sutherland. Dans d’autres cas, plus nombreux, cette rupture se traduit par un sentiment d’abandon, et un retour arrière vers des processus historiquement maîtrisés par l’ensemble...
Aider les employés et les parties prenantes à comprendre et adopter Scrum
Concrètement, le Scrum Master va demander à des individus de modifier leur comportement, en adoptant de nouveaux processus, ou nouvelles manières de faire, de se comporter, idéalement sans l’imposer mais en faisant naître un désir.
Il faut bien comprendre que la relation d’un individu avec une organisation est un peu comme une relation amoureuse. Entre « j’aime mon entreprise ! », et « je ne supporte plus cette boîte », il y a une différence, liée à des événements, comme dans un couple. C’est une relation que l’on peut représenter par cette matrice :

En modifiant des relations, le Scrum Master va avoir un impact sur le ressenti des personnes vis-à-vis de Scrum. Il est illusoire de croire qu’il est possible de tout changer en même temps.
L’objectif est bien évidemment d’aller le plus loin possible vers « l’histoire d’amour », mais cela se fait progressivement. Au fur et à mesure que les individus vont accroître leur engagement, ils doivent éprouver une satisfaction perceptible :
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Amélioration des relations interpersonnelles.
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Amélioration de sa qualité de travail.
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Expérience émotionnelle...
Transmettre la pensée Lean et l’empirisme
Dans un premier temps, le Scrum Master doit faire prendre conscience à l’équipe Scrum, et particulièrement au Product Owner, qu’il est essentiel d’avoir une notion de valeur claire ainsi qu’un plan de release permettant de la délivrer rapidement. À ce stade, il se heurtera très souvent à des réticences de la part des parties prenantes qui ont l’habitude d’avoir un cahier des charges décrivant un produit complet et s’attendent à recevoir ledit produit en une seule fois.
Face à l’hypothèse de recevoir un produit incomplet, le MVP, les craintes sont nombreuses :
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Quand aurons-nous le produit fini ?
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Nos clients ne sont pas des cobayes.
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Il faudra faire de multiples formations !
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Et surtout, aurons-nous tout ce que nous avions demandé, à la date prévue ?
Cette liste n’est pas exhaustive, mais la meilleure manière de rassurer consiste à s’appuyer pleinement sur l’empirisme. Ces interlocuteurs, qui ont l’habitude de s’appuyer sur un cahier des charges et des promesses de budget/délai, ont tous vécu la même expérience ; des dérives répétées. Face à ces multiples constats d’échec, est-il raisonnable de continuer sans rien changer...
Collaborer avec d’autres Scrum Masters
La collaboration entre Scrum Masters, et surtout la communication entre les Scrum Masters, peut apporter un gain de performance considérable pour une organisation, maximiser les effets de l’agilité et accélérer son adoption.
Lorsque l’organisation atteint un certain niveau de maturité dans son adoption de l’agilité, elle a tendance à considérer que l’échec d’un Sprint n’est pas un risque, mais un bénéfice. Au regard des gains de vélocité, si l’équipe échoue quelques Sprints, ce n’est pas grave, au contraire, cela fait progresser tous les membres de l’équipe.
Lorsqu’il existe une communication riche et fluide entre les Scrum Masters, c’est toute l’organisation qui peut bénéficier d’un échec et surtout des solutions mises en œuvre. Dans une organisation disposant de plusieurs Scrum Masters, lorsqu’une équipe rencontre une difficulté, son Scrum Master peut consulter ses pairs pour investiguer sur les éventuelles solutions mises en œuvre dans des contextes similaires, et rapporter des éléments factuels à l’équipe pour l’aider dans sa prise de décision.
Établir une communication riche et récurrente entre les Scrum Masters...
Aider les managers à devenir agiles
Parmi les collaborateurs de l’entreprise que le Scrum Master doit aider à devenir plus agiles, les managers sont certainement les plus complexes à gérer. Cette difficulté étant liée au pouvoir réel que ces personnes détiennent, plus ils en ont et plus la mission est ardue.
Du point de vue de l’entreprise, deux activités devraient inciter le Scrum Master à aider les managers à devenir agiles, mais également inciter les managers à écouter attentivement les conseils du Scrum Master :
1. « Aider les employés et les parties prenantes à comprendre et adopter Scrum ainsi que le développement empirique de produits »
2. « Causer les changements qui augmentent la productivité de l’équipe Scrum »
L’empirisme permet de baser des décisions sur des faits établis et mesurables c’est-à-dire sur une information explicite. Sans une approche empirique, les décisions sont prises à partir d’un ensemble d’informations mixant des données empiriques, une expérience personnelle, un ressenti émotionnel, c’est-à-dire un ensemble d’informations majoritairement implicites.
Le problème majeur réside dans la nature du savoir, une information implicite ne s’explique pas. En revanche, elle peut être transmise en forçant les collaborateurs à employer des processus, par une attitude autoritaire, par négociation ou en employant des stratégies de séduction. Ces pratiques autoritaires sont de plus en plus complexes à mettre en œuvre, surtout face aux plus jeunes recrues (les millenials).
Un manager est un décideur et plus ses décisions sont basées...
Motivation, implication et engagement
De nombreuses expériences ont été menées sur les sources de la motivation, notamment par Edward Deci et Richard Ryan. Elles distinguent la motivation extrinsèque, qui vient de l’extérieur comme l’argent et les primes, de la motivation intrinsèque, qui est directement liée au développement personnel d’un individu.
Par exemple, pourquoi vous engagez-vous dans une activité sportive ? Pourquoi faites-vous du sport ? Par plaisir (motivation intrinsèque) ou parce que vous ne voulez pas grossir (motivation extrinsèque) ?
La motivation et l’implication créent de l’engagement, ce qui accroît fortement l’efficience, la productivité et la créativité. Cela contribue à accroître la performance des ressources humaines d’une organisation. Dans le cas d’une organisation commerciale, l’impact est visible sur le chiffre d’affaires. La performance est le produit de l’implication et de la motivation. Donc lorsque l’implication est quasi nulle, même si la motivation est forte, la performance sera très faible.
La principale cause du manque d’implication ou d’une implication insuffisante de l’équipe est liée au manager.
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Je vais plus vite en faisant moi-même.
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Le temps que je leur...
Focus sur la notion de fini
Une définition incomplète de la notion de fini, ou n’étant pas suffisamment partagée par toutes les parties prenantes, engendrera inévitablement des problèmes complexes à gérer car leur origine sera systématiquement liée à une incompréhension.
Par exemple, lors de plusieurs revues de Sprint, un manager émet des doutes sur l’organisation de l’équipe, sur le produit et sur l’agilité en général. Au lieu d’investiguer, l’équipe, y compris le Scrum Master, continue d’itérer. L’équipe Scrum livre des incréments parfaitement finis, mais lors de la première mise en service d’une version pilote, les utilisateurs rejettent le produit en le qualifiant d’inutilisable. À l’issue de la seconde itération, les utilisateurs entrent même dans un état de défiance et refusent de continuer à collaborer avec l’équipe. Dans ce contexte, le manager prend acte de l’échec, rappelle qu’il a alerté l’équipe à plusieurs reprises et décide de mettre fin à l’usage de Scrum dans son service. Avec un casus belli aussi fort, il peut espérer tenir tête à la direction même si celle-ci est favorable à...
Focus sur la stabilité des équipes
Quelle que soit la nature du projet, son organisation, sa méthode, il est toujours préférable d’avoir une équipe stable plutôt qu’une équipe dont les membres varient périodiquement. Ce n’est pas lié à l’activité, mais à la nature d’un groupe en tant qu’entité émotionnelle, c’est-à-dire un petit nombre de personnes qui ont des interactions sociales fréquentes et récurrentes. L’instabilité structurelle d’une équipe modifie son cycle de vie.
Dès qu’un membre est retiré ou ajouté à une équipe, celle-ci repasse immédiatement au stade Forming, même si elle était auparavant au stade Performing. Par exemple, une équipe de six Developers travaillant ensemble depuis plusieurs semaines est arrivée à son stade Performing et sa vélocité est stabilisée autour de 90 points de vélocité par Sprint. Un manager décide d’ajouter un membre à cette équipe pensant qu’elle passera ainsi à 105 points de vélocité. À la fin du Sprint, il est furieux de voir que la vélocité de l’équipe culmine à 65 points. Non seulement celle-ci n’a pas augmenté, mais...
Focus sur les estimations
Les estimations de complexité en stories points risquent de déstabiliser les personnes qui ne disposent plus des référentiels connus sur lesquels s’appuyer : les évaluations de charge en jour/homme.
Dans un premier temps, il est possible d’utiliser une matrice de correspondance pour les aider à progresser vers plus d’agilité. Attention, cela doit être une étape intermédiaire pour faciliter certains passages difficiles, mais ce ne doit pas être un moyen durable à généraliser.
1. Correspondance entre complexité et charge
Prenons l’exemple d’une équipe de quatre développeurs dédiés à 100 % qui réalisent des Sprints d’une semaine, avec une vélocité moyenne de 50 SP. Sur un Sprint, ils s’engagent à livrer cinq éléments, ou user stories, dont la complexité est évaluée à 13+8+8+5+13 SP, soit 47 SP. Un manager concerné par un élément à 13 points souhaite savoir combien il nécessite de jours-hommes à cette équipe, car 13 SP est un indicateur qui lui semble totalement abstrait. L’équipe ayant réalisé ses évaluations en stories points, il insiste auprès d’elle pour que les évaluations soient réalisées...
Focus sur les évaluations individuelles
Cet effet pose un problème aux managers qui sont tenus de fournir à leur hiérarchie des évaluations de leurs collaborateurs en s’appuyant sur des indicateurs de performance fiables. Le manager a une plus ou moins grande latitude décisionnelle sur ces indicateurs en fonction des organisations, mais dans le cas de l’adoption de l’agilité par l’entreprise, il se retrouve face à un choix cornélien :
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Conserver les indicateurs historiques et réduire la performance et l’agilité.
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Évaluations de performance individuelle.
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Respect des processus imposés par la hiérarchie.
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Taux de tâches accomplies dans les délais impartis.
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Etc.
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S’appuyer sur des éléments émotionnels ou irrationnels pour rédiger ses évaluations.
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Qualité des entretiens avec le collaborateur.
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Relation de confiance entre le collaborateur et le manager.
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Apprécié par ses pairs.
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Etc.
Ce sujet est un frein récurrent à la rapidité d’adoption de l’agilité par les managers. S’ils restent sur leurs processus historiques d’évaluation, ils freinent le déploiement et l’efficience de l’agilité, mais s’ils s’appuient sur des éléments difficilement mesurables, ce n’est plus empirique...
Validation des acquis : questions/réponses
Si l’état de vos connaissances sur ce chapitre vous semble suffisant, répondez aux questions ci-après.
1. Questions
1 Citez trois des cinq actions que le Scrum Master peut entreprendre pour mieux servir l’organisation.
2 Quels sont les deux types de populations vers lesquelles le Scrum Master doit focaliser son activité dans l’organisation (en dehors de l’équipe Scrum) ?
3 Afin de convaincre les parties prenantes d’adapter leurs interactions avec l’équipe Scrum, que doit faire le Scrum Master en priorité ?
4 Quel est le point essentiel pour qu’une partie prenante adopte de nouveaux processus ou change son comportement vis-à-vis de l’équipe Scrum ?
5 De quelle manière le Scrum Master peut-il planifier l’adoption de Scrum dans une organisation ?
6 De quelle manière le Scrum Master peut-il amener l’organisation à changer ?
7 La collaboration entre les Scrum Masters de l’organisation apporte plusieurs bénéfices à cette dernière, quel est celui qui permet à une société commerciale (une entreprise) de mieux atteindre ses propres objectifs ?
8 Citez deux aspects sur lesquels l’attention du manager agile est focalisée.
9 En l’absence d’empirisme, quel est le principal frein, ou la principale difficulté que rencontre un manager pour former ses équipes ?
10 Comment le manager agile peut-il accroître la performance de ses équipes ?
11 Quel problème est engendré par un défaut de transparence de la Définition de Fini ?
12 Concernant la Définition de Fini, le Scrum Master doit s’assurer de trois points, lesquels ?
13 Que peut faire le Scrum Master pour minimiser les changements structurels au sein de l’équipe ?
14 Quelles solutions le Scrum Master peut-il proposer aux parties prenantes s’il s’avère que l’équipe ne parviendra pas à livrer tout ce qui est obligatoire pour le produit avant la date limite ?
15 Une partie prenante a demandé au Product Owner s’il était...