Piloter le projet
Introduction
Contrairement à la gestion des réunions, le pilotage d’un projet agile est très fortement impacté par cette nouvelle méthode.
Au travers de ce chapitre, nous allons aborder les principaux éléments sur lesquels le directeur de projet doit focaliser son attention lors de la réalisation du projet s’il veut le piloter efficacement.
Pilotage par les indicateurs
Mettre en place des indicateurs ou KPI en accord avec l’équipe, c’est une bonne chose, encore faut-il savoir correctement les lire. L’exemple le plus classique est l’interprétation d’un burndown chart.
Un burndown chart est un graphique composé de deux lignes, l’une indiquant le prévisionnel, et l’autre, ce qui a réellement été réalisé, livré. Sur un projet, il peut y avoir un graphique pour le projet au niveau global, pour chaque release et pour chaque sprint.
Première analyse :
L’équipe a pris un peu de retard au démarrage du sprint. Comme les ingénieurs ne valident que ce qui est vérifié, c’est normal. Ensuite elle semble très performante et a une confortable avance sur le sprint en cours.
Tout est donc sous contrôle, pas besoin de s’inquiéter.
1. Savoir lire entre les lignes des indicateurs
Est-ce que tout est vraiment sous contrôle ? Non, l’équipe a pu se tromper dans ses évaluations initiales lors du planning poker et surévaluer la difficulté des stories. Il faudrait alors peut-être lui mettre la pression pour que cela ne se reproduise pas sur les futures releases ?
Cette décision peut malheureusement être contre-productive. Si l’équipe est soudée et qu’elle surévalue effectivement les stories, cela ne fera qu’accroître sa cohésion et déportera le problème. Certes, il disparaîtra des graphiques, mais il ne sera pas réglé. Pire, l’équipe réduira sa productivité en début de projet jusqu’à atteindre un niveau de retard suffisant avant de se mettre efficacement au travail. Cette réaction d’une équipe n’est qu’exceptionnellement le fruit d’une volonté délibérée de nuire, bien souvent c’est une réaction de défense, de protection.
Il faut au contraire coacher l’équipe, lui montrer par ces graphiques qu’elle peut avoir confiance en elle et ajouter des stories en cours de sprint.
Pour cela, il faut pouvoir interpréter correctement les données.
2. Interpréter correctement un burndown chart
On pourrait idéalement...
Application du Genchi Genbutsu
La lecture des indicateurs, même effectuée par un expert rompu à cet exercice est insuffisante pour se faire une idée précise de l’état d’un projet. Cette pratique a également tendance à enfermer le manager dans une tour d’ivoire, et il ne voit alors plus la réalité du monde qu’au travers d’une fenêtre aux carreaux floutés.
Les diagrammes donnent une indication de la réalité potentielle, mais n’oublions jamais qu’ils ne sont pas la réalité. Comme le déclarait Taiichi O no « Les chiffres sont importants dans la production, mais j’accorde la plus grande importance aux faits. »
Le Genchi Genbutsu, que l’on retrouve dans Six Sigma et le Lean-Kanban, est le douzième principe clé de la révolution effectuée par Toyota sur son système de production. Il pourrait être traduit littéralement par « va voir par toi-même ».
Au-delà d’un principe, c’est une réelle philosophie, une manière de concevoir le métier de manager réellement différente des pratiques occidentales. Plutôt que d’envoyer un subalterne régler un problème ou observer une situation, le Genchi Genbutsu consiste à effectuer soi-même...
Gestion des dérives
Dériver est un verbe issu de la marine qui qualifie une embarcation que l’on n’arrive plus à diriger et qui se déplace principalement au gré des courants. Le pilote n’a alors qu’une vague idée de l’endroit où il se retrouvera le lendemain et absolument aucune dans une semaine.
C’est identique pour un projet et celui-ci peut dériver de bien des manières.
Dans la gestion de projets en cascade, la réponse aux dérives s’est manifestée sous forme d’un accroissement de ressources et processus en phase d’étude. Inventaire des causes statistiques de dérive, gestion des risques opérationnels, plans de secours, fiches d’incidents, autant de démarches n’apportant que peu de valeur ajoutée au projet.
L’agilité invite au contraire à s’adapter, mais cette adaptation ne doit pas devenir une mission de survie.
1. Story immature
Lorsqu’il n’est pas possible d’établir clairement son périmètre ou sa définition, même si le plan de release initial prévoyait de l’embarquer, il faut reporter une story. L’agilité consiste à s’adapter au moment présent, alors plutôt que de reproduire les mêmes erreurs qui causeront les mêmes échecs, si l’équipe pense...
Gestion des conflits
Lorsqu’un projet dérive, cela engendre de la pression qui se traduira à un moment ou un autre par un conflit. Or une situation conflictuelle qui n’est pas correctement gérée peut polluer un projet de bien des manières : rétention d’information, désinformation, déstabilisation, sabotage, mais surtout impliquer une dépense d’énergie et une perte de temps souvent inutiles. Mais pour les gérer, il est préférable d’en comprendre le fonctionnement.
Si une bonne maîtrise de la gestion des conflits est utile à tout individu, elle est essentielle à un directeur de projet qui souhaite coacher efficacement ses équipes.
1. Étapes et formes de conflit
Un conflit débute systématiquement par une divergence. Il peut s’agir d’intérêts opposés ou concurrents, mais également de valeurs, de stratégies, de positions ou d’émotions. Ce dernier cas se traduit par une antipathie profonde que le ou les protagonistes ne savent ni expliquer ni justifier.
Tant qu’elle n’est pas réglée, cette divergence produira des tensions qui s’accumuleront jusqu’à ce que la situation évolue en un réel conflit ouvert. L’ouverture officielle du conflit permet d’évacuer la tension accumulée et d’affronter le problème.
La forme la plus fréquente d’un conflit est le malentendu, qui, une fois dissipé, met un terme au différend. Cependant, il peut laisser des traces et la répétition de malentendus peut provoquer un conflit refoulé, de la même manière qu’un ancien affrontement mal géré. Dans ce contexte, le moindre prétexte peut donner lieu à un nouvel affrontement.
La forme la plus virulente est le conflit déclaré, qui même s’il ne s’exprime qu’en privé, est souvent perceptible en public et donne lieu à des échanges tendus.
Enfin, le conflit larvé que les participants cherchent à camoufler aux yeux de tous est parfois plus dévastateur que le conflit ouvert.
2. Stratégie de gestion
Que l’on soit directement impliqué dans un conflit ou un acteur...
Focus sur les objectifs
Le travail en équipe sur un projet est générateur d’émotions, positives ou négatives, pouvant amener à des déséquilibres dans les jugements. Si l’effet Janis est relativement visible, d’autres sont plus pernicieux.
Des retards répétés vont ainsi créer un objectif illusoire de délai qui se traduit par une course après le temps. Inconsciemment, l’équipe aura tendance à sacrifier la qualité ou l’innovation pour respecter le délai.
Il est donc important que le directeur de projet, qui par son rôle dispose d’un recul suffisant, reste focalisé sur les objectifs réels du projet, de la release ou du sprint en cours pour pouvoir efficacement remettre la situation dans le contexte et réaffirmer les objectifs.
1. Modification des objectifs
À force de prendre son temps sur un projet qui n’a aucun enjeu de délai, il peut arriver que celui-ci en devienne un. Ce principe s’applique bien sûr à tout type d’objectif, à la qualité (disponibilité, sécurisation, maintenabilité, facilité d’usage), au périmètre et bien sûr aux coûts.
Il se peut également que la situation soit précipitée par un événement externe qui était...
Saisir les opportunités
Mais un projet amène également son lot d’opportunités qu’il faut être capable d’identifier, et pourquoi pas, de saisir. Nous venons de voir plusieurs situations qui peuvent impacter le projet de manière négative, mais il existe également des situations qui peuvent l’infléchir de manière positive. Si, dans l’inconscient collectif, ces opportunités sont souvent apparentées à de la chance, alors nous devons apprendre à provoquer la chance. Pour qu’une opportunité ait une chance d’émerger, il faut que l’équipe soit focalisée sur les réels objectifs du projet, que sa créativité ne soit pas bridée et enfin que le directeur de projet soit à l’écoute de ses équipes de manière active. Par écoute active, nous entendons qu’il soit acteur de son écoute, qu’il aille à la rencontre de ses équipiers pour les écouter, les comprendre, plutôt que d’attendre qu’ils viennent vers lui.
1. Exemple du web call back
Cet exemple est utopique et même s’il s’inspire de faits réels, il ne repose sur aucun projet réel.
Dans un projet de refonte du site Internet d’un constructeur automobile, partie intégrante du lot « configurateur...
Rendre compte
Rendre compte, c’est avant tout communiquer, délivrer, une information. Celle-ci doit être juste et utile. Pour cela, il faut donc évaluer une situation dans son contexte puis la résumer aux éléments ayant réellement une valeur ajoutée pour la personne à qui l’on rend compte.
1. Communiquer efficacement
Envoyer un burndown chart à un directeur général, pour lui expliquer que le projet ne rencontre pas de difficultés majeures et que l’objectif de délai est pour l’instant tenu, n’a absolument aucun intérêt.
Ce message évoque des difficultés, mais elles ne sont pas identifiées. De surcroît, il se veut rassurant, preuve à l’appui, un graphique qui n’a aucun sens s’il n’est pas correctement interprété. Sachant que des experts Scrum arrivent à interpréter un brundown chart de travers, on peut imaginer qu’un directeur général se retrouvera face à ce diagramme comme une poule devant un couteau.
Rendre compte de ce que les utilisateurs ont eu du mal à exprimer leurs besoins, mais qu’en les ayant mis directement au contact de l’équipe, ils ont pu se comprendre et communiquent maintenant aisément est une information bien plus intéressante.