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Extrait - Intelligence artificielle Enjeux éthiques et juridiques
Extraits du livre
Intelligence artificielle Enjeux éthiques et juridiques Revenir à la page d'achat du livre

Savoir-faire et secret d’affaires : protections alternatives

Introduction

Comme nous l’avons précédemment évoqué1, en dépit de son incroyable développement, il n’existe à ce jour aucune disposition législative ou réglementaire française spécifiquement dédiée à la protection de l’IA. Certes, la résolution du Parlement Européen du 16 février 2017 recommandait à la Commission des dispositions issues du droit civil pour protéger la robotique et contenait également la suggestion d’appliquer le droit de la propriété intellectuelle à ces objets, mais sa traduction dans la législation interne ne s’est jamais concrétisée. L’absence d’un droit sui generis pose en vérité une difficulté majeure pour les acteurs du monde de l’IA qui ne peuvent espérer protéger le fruit de leur travail alors même que celui-ci implique des investissements importants en recherche et développement.

Toutefois, en dépit de l’absence d‘une protection légale spécifique, notamment via les brevets comme c’est le cas aux USA ou au Japon, il est possible d’obtenir une protection via le concept de savoir-faire ou par l’intermédiaire du secret des affaires.

L’IA et le savoir-faire

Il faut tout d’abord souligner que la notion de savoir-faire (know-how en anglais) ne bénéficie pas d’une définition légale en droit français2. En effet, si le secret de fabrication (concept juridique qui constitue en réalité une sous-catégorie du savoir-faire) est mentionné dans certains codes (Art. L. 1227-1 du Code du travail et L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle), le savoir-faire reste pour sa part dans une étonnante obscurité.

En France, la définition actuelle du savoir-faire est issue de la doctrine et a été progressivement précisée par la jurisprudence. Cependant, le droit de l’Union Européenne, par l’intermédiaire des règlements n. 2790/99 du 22 décembre 1999 et n. 330/2010 du 20 avril 2010, propose une définition du savoir-faire.

Sans qu’il soit nécessaire de rentrer dans les détails d’une doctrine et d’une jurisprudence particulièrement sédimentées, indiquons que trois caractéristiques sont nécessaires pour qualifier le savoir-faire3.

Ainsi, il constitue « un ensemble secretsubstantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci »4.

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Dès lors, dans la mesure où l’IA correspond à cette définition, elle peut bénéficier de la protection offerte par le savoir-faire. Concrètement, cette protection emprunte trois voies différentes et complémentaires. Il est tout d’abord possible d’agir en amont, par l’intermédiaire de clauses tendant à dissuader sa divulgation via l’éventuel engagement de la responsabilité contractuelle. Ensuite, une fois l’atteinte au savoir-faire matérialisée, il est envisageable de rechercher la responsabilité délictuelle ou pénale.

1. La responsabilité contractuelle

À l’instar du célèbre proverbe « mieux vaut prévenir que guérir », il est judicieux de penser la protection de l’IA via le savoir-faire avant même qu’une...

L’IA et le secret d’affaires

La définition du secret des affaires est issue de la directive du 15 juin 2016 relative à la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires). Le secret des affaires est ainsi défini comme « des savoir-faire et des informations commerciales de valeur qui ne sont pas divulguées et que l’on entend garder confidentiel »22.

Transposée en droit français par la loi du 30 juillet 2018, cette protection, codifiée dans le code du commerce aux articles L. 151-1 et suivants, offre un puissant intérêt pour les acteurs de l’économie en général et pour ceux de l’IA en particulier.23

Ainsi, cette loi vise à protéger l’information qui « revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret » et « fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ».

Concrètement, l’information peut s’entendre sous n’importe quelle forme, et concerne ainsi les données numériques, ou la structure des données par exemple. Ce régime permet donc aux victimes de demander des dommages-intérêts...

Notes

1 Cf. chapitre La propriété intellectuelle à l’épreuve de l’IA

2 L’article L. 721-7, 4° du code de la propriété intellectuelle prévoit certes un « savoir-faire traditionnel », mais il s’agit en réalité d’un concept lié aux indications géographiques et complètement inapplicable à notre sujet.

3 Pour une approche jurisprudentielle de la notion de savoir-faire, cf. brève cabinet Haas sur le sujet.

4 Cette définition peut être rapprochée de celle du secret des affaires de la directive 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

5 « Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».

6 Pour un exemple d’application d’une telle clause au savoir-faire, cf. T.C. Paris, référé, 7 nov. 2016, n. 2016049428. Pour un rejet, cf. C.-A. Rouen, 19 janv. 2016, n. 15-01.077

7 La Cour de cassation admet ainsi que la clause de confidentialité puisse prévoir que le salarié y reste soumis après...