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L’IA au milieu du problème écologique : où se situe-t-elle dans l’équation ?

L’histoire de Soraya et de l’IA

Aussitôt dit, aussitôt fait. Une fois Soraya de retour à la bibliothèque, elle se précipita vers Christophe.

— J’ai besoin de te parler.

Elle avait prononcé tant de fois cette phrase. Christophe ne s’en lassait-il pas ? Non, le visage innervé de joie, il répondit :

— Moi le premier.

Soraya se renfrogna et laissa la politesse prendre le dessus sur son élan.

— Je t’en prie, dit-elle.

— J’ai obtenu ton internalisation ! annonça Christophe.

Soraya ne put s’empêcher de bondir. Consciente d’être dans un milieu professionnel, elle tenta de se calmer, lissa le bas de son pull et gomma les bords de son sourire trop étiré.

— Je… euh… merci.

— Merci à toi pour ton implication toutes ces années et ta participation au projet. Si tout est bon pour toi, nous pouvons signer à 14 h.

— 14 h, répéta Soraya comme s’il eut s’agit d’une parole divine. Oui, c’est très bien.

Christophe repartit dans ses affaires. Restait à décliner l’offre de Julie. Quand celle-ci apparut, Soraya lui proposa un café. Pendant que Julie touillait sa boisson, Soraya se lança :

— J’ai reçu ton message sur LinkedIn. Merci, mais je préfère...

Informatique et pollution numérique

Quelques chiffres autour du dérèglement climatique

Avant de parler du numérique, posons quelques bases. Nous subissons aujourd’hui les effets d’un dérèglement climatique. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit une augmentation de 3 à 5 degrés d’ici 2100 si rien ne bouge. Dans le meilleur des cas, il s’agirait de 1,5 degré, ce qui a des conséquences non négligeables : acidité des océans, déclin de la biodiversité, crues, canicules, sécheresse, etc. On pourrait arguer que la Terre s’est déjà réchauffée. En effet, en 20 000 ans, elle a pris 5 degrés. La vitesse à laquelle le changement d’aujourd’hui provient n’est pas comparable.

D’ici 2050, pour réduire notre empreinte et garder l’objectif de 1,5 degré, il faudrait que chaque Français ne produise plus que deux tonnes de CO2 par an. Pour information, cela correspond à un aller-retour pour New York, dix mille kilomètres en voiture, deux cent soixante-seize repas au bœuf ou treize ordinateurs.

L’informatique, une réalité bien matérielle

Julie affirme que la pollution numérique engendrée contribue à précariser l’informatique et à faire disparaître cette discipline. Avant de se poser la question du rôle de l’IA dans cette équation, arrêtons-nous déjà sur les enjeux de l’informatique en général.

Mais l’informatique ne permet-elle pas au contraire de résoudre le problème écologique ? Ne participe-t-elle pas à une dématérialisation qui sauve des ressources ? Plutôt que de couper des tonnes d’arbres, on se retrouve à lire des centaines de romans sur une tablette. N’est-ce pas mieux pour notre environnement ? Tout est stocké dans l’info-nuage (le cloud en anglais), non ? Oui et non. Oui, l’info-nuage contient la plupart des données des applications que nous possédons. Non, contrairement à ce que le terme laisse suggérer, le code et tout ce qui l’entoure...

L’IA pourrait-elle sauver la planète ?

De belles initiatives avec l’IA

Le gouvernement l’affiche clairement : l’IA doit œuvrer pour la transition écologique. Par exemple, nous dit-on, les IA vont « contribuer à la conception, à la réalisation et à l’exploitation de chaînes de transport optimisées, résilientes, durables y compris le développement d’infrastructures communicantes et intelligentes ». Elles ont aussi pour but « de proposer de nouvelles gammes de services aux usagers, plus proches de leurs besoins et compatibles avec les attentes citoyennes de protection de l’environnement, de lutte contre le changement climatique ». Elles vont « alimenter les réflexions et les projets des territoires, dans des approches de type territoires intelligents ou villes intelligentes, permettant de concevoir des politiques de transports locales, adaptées à chaque territoire ».

Pourtant, nous venons de démontrer que l’informatique est un domaine polluant. N’y aurait-il pas incompatibilité ? Avant de discuter de cette problématique, voyons voir les initiatives qui voient le jour. Du côté des applications positives, on peut citer Prioréno, un outil d’Enedis qui priorise les rénovations énergétiques. Mellia, développée par OpenStudio, veille au bien-être des abeilles en observant les conditions de vie dans les ruches. The Ocean Cleanup lutte contre la pollution marine en récupérant jusqu’à cinq tonnes de déchets par mois.

L’IA sert aussi à vulgariser les connaissances mêmes que nous avons sur l’environnement et ainsi à sensibiliser les citoyens. C’est par exemple le cas de ClimateQ&A, un agent conversationnel conçu spécialement pour répondre aux questions autour du climat.

Des initiatives polluantes avec l’IA

Des initiatives...

La sobriété numérique

Les fausses bonnes idées pour se sortir de la pollution numérique

On a vu fleurir de nombreuses propositions pour tacler le problème du numérique comme pollution. L’une des plus célèbres, c’est la suppression des courriels. S’il est vrai que ceux-ci sont stockés sur des serveurs et que moins il y a de ces derniers, mieux le monde se portera, l’impact de cette action est en réalité limité.

D’abord, ce n’est pas parce que vous cochez la case  Supprimer que votre donnée disparaît totalement. Elle peut tomber dans votre corbeille que vous devez penser à vider. Elle peut aussi être archivée par l’application que vous utilisez, auquel cas le message restera bien présent sur un ordinateur. Vous aurez investi de l’énergie pour pas grand-chose. Même si le texte que vous avez reçu n’existe plus, l’effet est minime. Nous l’avons vu, chiffres à l’appui, ce n’est qu’une pollution mineure dans un grand océan.

Il y a une deuxième idée qui revient souvent et n’apporte pas le résultat escompté : les moteurs de recherche dits écologiques. La plupart se basent sur Google ou Bing. Donc en plus d’utiliser une application existante, ils ajoutent une surcouche de complexité...

L’IA, l’écologie et le remplacement des travailleurs à long terme

L’écologie empêche l’émergence à tout va de l’IA à long terme

Nous avons pu dépasser nos peurs vis-à-vis de l’IA. Cela nous a permis d’explorer davantage les enjeux de cette technologie. Munis de ces connaissances, la question du remplacement des travailleurs peut de nouveau se poser. Nous avions déjà mitigé cette possibilité. Cependant, nous ne l’avons pas totalement exclue. Sans nous en rendre compte, nous pensions la problématique à court terme.

Si nous élargissons notre caméra, elle prend une autre tournure. Les financements dans le domaine de l’informatique et de l’intelligence artificielle augmentent. Tandis que la France investit deux milliards d’euros dans cette dernière, le GIEC pour fonctionner ne dispose que de six millions de dollars.

Si nous perdurons au rythme actuel et que nous élevons la température de trois degrés, savoir si l’IA prendra notre place nous semblera un problème bien lointain. Dans les scénarios où tout passerait par de la domotique, où l’économie serait entièrement automatisée, cela signifierait que nous aurions un nombre de terminaux colossal. On aurait besoin de plus de données et d’encore plus...

En résumé

  • L’informatique et l’IA ont un rôle dans le dérèglement climatique et la pollution numérique en général. Cela se joue principalement dans la création des différents terminaux.

  • Les acteurs de l’intelligence artificielle ont lancé de nombreuses initiatives ces dernières années. Pourtant, les approches technologiques du moment sont énergivores.

  • Plusieurs actions peuvent limiter les dégâts. Elles se concentrent autour de la sobriété numérique.

  • Puisque le seul levier que nous connaissons pour endiguer l’impact environnemental est la sobriété, il y a peu de chances pour que dans un avenir lointain, l’IA prenne toute la place.

On pourrait être tenté de croire que l’IA va sauver le monde, mais c’est plus complexe qu’il n’y paraît. Sa viabilité même est remise en question. Les pires ou meilleurs, selon le point de vue, scénarios du remplacement des travailleurs par des machines se retrouvent stoppés par l’environnement. Il faudrait une énergie folle et des ressources non renouvelables pour parvenir à une économie totalement automatisée.