Cadre du management de projet
Contexte général
S’il est certain qu’un avion en vol finit toujours par atterrir, force est de constater que pour un projet ce n’est pas si sûr. De nombreuses études montrent en effet que beaucoup de projets menés en entreprise se heurtent à des difficultés pouvant conduire à l’échec.
Ainsi, le Chaos Report, enquête annuelle du Standish Group qui analyse régulièrement les projets informatiques menés dans le monde, produisait pour 2015 le bilan suivant :
-
29 % seulement des projets étaient des succès,
-
52 % s’étaient terminés sans respect du cahier des charges et avec des dépassements de temps et de budget,
-
19 % se soldaient par un échec, arrêtés avant la fin prévue ou jamais mis en service.
Certes les choses se sont bien améliorées depuis les années 90, mais ce constat montre qu’il reste encore beaucoup à faire.
Les conséquences de ces difficultés sont d’abord financières pour les entreprises impliquées, mais provoquent aussi des réactions de rejet de la part des utilisateurs vis-à-vis de projets ultérieurs. L’impact sur les acteurs peut être très fâcheux du point de vue réputation et profil de carrière.
Il faut toutefois reconnaître que le jugement porté sur un projet terminé est, dans une certaine mesure, la conséquence des choix initiaux arrêtés par ses promoteurs :
Perception d’un projet terminé modulée par les ambitions initiales
Le schéma ci-dessus met en évidence deux situations relatives à un même projet, selon le degré d’ambition des différents acteurs.
Dans la situation 1 le projet se cantonne volontairement dans le domaine du raisonnable c’est pourquoi le prévu est moins ambitieux que le théoriquement faisable.
Dans la situation 2, c’est le contraire, les surenchères fonctionnelles ou techniques repoussent le prévu au-delà du faisable.
Une fois le projet terminé, chacun constate l’écart entre le réalisé et le prévu. Dans les deux cas, le résultat est en deçà de la prévision, mais il est flagrant...
Vision systémique d’un projet
Un projet a vocation à être mené à terme en respectant un certain nombre de contraintes :
-
Obtention des fonctionnalités ou résultats attendus,
-
Satisfaction des exigences formulées dans le cahier des charges,
-
Respect du budget et des délais,
-
Etc.
Pour satisfaire à ces contraintes, un projet doit être piloté. Malheureusement, la terminologie employée pour caractériser ce pilotage est assez confuse et fluctuante. Les termes fréquemment utilisés sont direction, conduite ou pilotage de projet et les acteurs de cette activité sont qualifiés de manager, directeur ou chef de projet.
L’objet de ce qui suit est de proposer une clarification basée sur l’approche systémique.
1. Notion de système
Nombre de définitions générales ont été formulées, parmi lesquelles :
-
« Un système est un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’un but » (Joël de ROSNAY),
-
« Un système est un ensemble d’éléments matériels (hommes, machines, méthodes, règles, etc.) en interaction transformant par un processus des éléments en entrée en éléments de sortie » (Jean-Patrick MATHERON).
Tout système contient une partie destinée à transformer des entrées en sortie, désignée par le terme sous-système opérant.
Système élémentaire réduit à son sous-système opérant
Un tel modèle est pauvre et peu utile s’il n’est pas piloté. Par exemple, un système de chauffage central doit permettre un réglage de la température à l’intérieur de la maison, c’est pourquoi s’y ajoute un sous-système de pilotage, le thermostat.
Système régulé
La double flèche qui apparaît entre le thermostat et la chaudière met en évidence un troisième sous-système nécessaire aux relations entre les sous-systèmes de pilotage et opérant : c’est le sous-système d’information. Dans cet exemple, il s’agirait des capteurs de température.
À partir d’un certain niveau de complexité, un système possède donc trois composantes :
-
Le sous-système opérant qui réalise les tâches assignées au système (chauffer l’eau du circuit),
-
Le sous-système de pilotage qui fixe les objectifs et qui procède aux corrections en cas de déviation de trajectoire (allumer ou éteindre les brûleurs),
-
Le sous-système d’information qui collecte les données (température intérieure) et informe le sous-système de pilotage des éventuels écarts par rapport à la consigne fixée.
Le schéma suivant, à la base de l’Analyse Modulaire de Systèmes de Jacques MELESE, traduit cette structure :
Système complet
Le sous-système d’information a plusieurs fonctions :
-
Mémoriser l’information brute,
-
Analyser l’historique des données stockées pour produire les synthèses nécessaires au pilotage...
Cycle de vie d’un projet
Le sous-système opérant, matérialisé par la conduite de projet, est organisé en phases : une phase étant un ensemble logique d’activités aboutissant à l’achèvement d’un livrable majeur du projet.
Le cycle de vie se matérialise donc par :
-
Une liste ordonnée des phases d’élaboration,
-
La description des travaux à réaliser dans chaque phase,
-
Des préconisations sur la manière de conduire cette réalisation.
La transition d’une phase à la suivante implique généralement un transfert technique entre équipes ou une transmission de responsabilité par exemple entre le réalisateur et le client ou entre partenaires (coréalisateurs, sous-traitants…).
1. Cycle de vie générique d’un projet
La plupart des projets prennent naissance à la suite d’une idée motivée par le besoin de faire évoluer une situation.
Cycle de vie générique d’un projet
Le schéma ci-dessus montre qu’avant d’engager des dépenses d’investissement dans un projet il convient :
-
D’en vérifier l’opportunité et la faisabilité,
-
D’en décrire le contour général de manière à évaluer les efforts à consentir, les délais et le retour sur investissement.
À l’issue de cette étude préliminaire, le client...
Organisations de projet
La façon d’organiser un projet dépend du secteur économique concerné, du contexte et de la culture de l’entreprise.
Les projets informatiques mettent en rapport des personnes de profils variés sommairement groupables en profils métiers (ceux qui savent) et en profils techniques (ceux qui font), ces différentes personnes pouvant appartenir à l’entreprise elle-même ou à des fournisseurs extérieurs.
Les principaux types d’organisation utilisés sont :
-
L’organisation fonctionnelle,
-
La coordination de projet,
-
L’organisation matricielle,
-
Le projet sorti.
1. L’organisation fonctionnelle
Organisation fonctionnelle (d’après Rémi BACHELET - École centrale de Lille)
Dans cette organisation, les différentes directions métiers réalisent de manière autonome la partie de projet correspondant à leur spécialité. Par exemple dans l’industrie automobile interviendront le bureau d’études, les méthodes, l’industrialisation et la production.
Chaque acteur du projet travaille sous l’autorité de son propre responsable hiérarchique, la coordination entre les directions étant absente ou se faisant de manière consensuelle.
Cette organisation n’est pas la plus performante, mais peut convenir à des projets...
Parties prenantes
Une des spécificités des projets informatiques réside dans la multiplicité des parties prenantes. Par nature transversaux, les systèmes d’information concernent des utilisateurs issus d’entités distinctes et de niveaux hiérarchiques divers.
Dans le secteur du BTP, il est de longue tradition d’employer les termes MOA (Maître/Maîtrise d’Ouvrage) et MOE (Maître/Maîtrise d’Œuvre) selon les définitions suivantes (AFNOR FD X 50-115) :
-
Maître d’Ouvrage : personne physique ou morale pour le compte de qui l’objet du projet est réalisé,
Le maître d’ouvrage fixe les objectifs du projet en termes de coûts, délais et performances. Le maître d’ouvrage est le client.
-
Maître d’Œuvre : personne physique ou morale qui conçoit, dirige la réalisation ou réalise l’objet du projet pour le compte du maître d’ouvrage et qui assure la responsabilité globale des performances techniques, des délais et des coûts.
Les Anglo-saxons n’utilisent pas ces concepts et en restent à la relation client - fournisseur.
Le secteur de l’informatique est beaucoup plus récent que celui du BTP et quand il a fallu choisir un modèle juridique pour établir les contrats, c’est celui du BTP qui a été retenu. Ceci tient au fait que les manières d’aborder les projets sont comparables (étude préliminaire - conception - réalisation - livraison) et qu’il existe des termes communs entre les deux activités (chantier, architecture, urbanisation, maintenance…).
Toutefois, un découpage plus fin s’impose pour classer les parties prenantes. En effet, un projet informatique...
Aspects méthodologiques
« Les méthodes sont les habitudes de l’esprit et les économies de la mémoire » - Antoine de Rivarol
Il existe diverses méthodes de management de projet qui résultent d’un travail permanent de recueil et de formalisation des bonnes pratiques constatées sur le terrain.
L’une des plus répandues dans le monde est celle de l’association professionnelle internationale Project Management Institute (PMI) d’origine nord-américaine dont la doctrine est diffusée dans le Project Management Book Of Knowledge (PMBOK) périodiquement mis à jour.
Le panorama des méthodes de management de projet ne se limite pas au PMBOK, mais la plupart des méthodes fusionnent management et conduite de projet au sens présenté précédemment :
-
PRINCE2 initiée par le département du commerce britannique,
-
AFITEP qui a publié avec l’AFNOR des livres sur le sujet ainsi que les comptes rendus de conventions nationales de management de projet,
-
L’IPMA (International Project Management Association, d’origine européenne) qui délivre des certifications en management de projet,
-
Les méthodes AGILES qui abordent les projets par itération de cycles courts avec un objectif d’amélioration continue,
-
…
Toute méthode propose d’une part une démarche de progression et d’autre part des concepts et des formalismes. Ainsi la méthode du PMBOK se présente selon deux axes :
-
Des processus interconnectés qui expliquent quoi faire et quand le faire,
-
Des domaines de connaissance qui expliquent comment le faire.
Il n’entre pas dans le cadre de ce livre d’explorer en détail telle ou telle méthode. Nous nous limiterons donc, à titre d’illustration, à survoler les deux dimensions du PMBOK, renvoyant le lecteur intéressé par les diverses approches méthodologiques aux très nombreuses publications, vidéos et formations dont Internet fournit les références, voire le contenu.
1. Les processus de management de projet
Les activités...